Pour la règle du cachet : le texte fondateur !
Alors que la commission paritaire 304 (arts du spectacle) tente de parvenir à un accord sur l'intégration des critères d'application de la règle du cachet, dans la convention collective de travail, la CGSP Culture republie (1) le texte fondateur qui a permis le retrait de la note ONEM (interprétation restrictive), après un accord négocié avec le ministre de l'Emploi, Kris Peeters.
En effet, trop d'infox circule : tantôt sur le déroulement des travaux en commission paritaire, tantôt à partir de textes incomplets ou encore en stigmatisant tel ou tel acteur des négociations pour le disqualifier.
Par ailleurs, rappelons ici que la version définitive de ce texte, rédigée à quelques heures de la deadline fixée par le ministre de l'emploi (fin février 2018), n'a été possible qu'après la prise en compte explicite, par l'ensemble des interlocuteurs sociaux, de la situation spécifique des techniciens. Cette exigence de la CGSP Culture se situait alors dans la droite ligne des condamnations de l'ONEM obtenue par notre centrale syndicale, devant la Cour du Travail de Bruxelles, en faveur de trois techniciens. Et, comme l'ONEM s'ést abstenu d'aller en Cassation, ces arrêts ont aujourd'hui force de jurisprudence.
(1) Ce texte a été largement diffusé entre mars 2018 et juin 2018, via les réseaux sociaux, des mailings aux affiliés, des assemblées organisées par différents interlocuteurs sociaux, et lors de rencontres avec les Organisations Représentatives des Usagers Agréés (ORUA).
Groupe de travail des commissions paritaires 227, 303.01, 304 et 329
Avis au Ministre Kris PEETERS sur la « rémunération à la tâche »
Genèse
Automne 2017, l’ONEM publie une note d’information sur une nouvelle application de la législation relative à la rémunération à la tâche, datant de 2014. En toute logique, la réaction du monde artistique ne s’est pas laissé attendre. Les partenaires sociaux ont alors sollicité le Ministre pour qu’il débloque la situation le plus rapidement possible cette initiative de l’ONEM qui court-circuite le dialogue social.
Pour y parvenir, Monsieur Peeters a chargé un groupe de travail intersectoriel de trouver une solution susceptible de fournir un certain nombre de critères à l’ONEM, sur base desquels elle pourrait traiter les dossiers dans le cadre de l’application de la règle du cachet. A terme, les commissions paritaires respectives travailleront à une ébauche qui permettra d’éliminer les points critiques qui émaillent la législation.
Comme convenu, les partenaires sociaux des commissions paritaires 227, 303.01, 304 et 329 émettent un avis pour le 28 février 2018, sur base du travail préparatoire réalisé par le groupe de travail.
Contexte
La concertation au sein du groupe de travail a donné l’occasion aux différents participants de confronter leur expertise. Cette dynamique a permis d’exprimer plus clairement la diversité et la complexité de la problématique. Pour bien comprendre les enjeux, une série de paramètres doivent être pris en compte.
Premièrement, cette réglementation touche différents groupes professionnels pour lesquels des contrats courts constituent la réalité de tous les jours : des artistes créateurs (comme des plasticiens ou des écrivains), des artistes exécutants (comme des musiciens ou des acteurs) et des fonctions de support (comme des techniciens de scène ou des créateurs d’événements).
Un exemple : dans les arts de la scène, 60% des travailleurs ont un contrat à durée déterminée et ce pourcentage atteint même 80% chez les artistes. Il est donc clairement question d’emploi atypique et précaire qui nécessite urgemment un meilleur encadrement.
Deuxièmement : la rémunération à la tâche n’existe pas en soi, mais elle fait partie d’une organisation du travail qui, au travers d’une rémunération à la tâche, donne aux métiers créatifs la possibilité de prétendre à un statut social (droit aux allocations de chômage), également appelé « le statut de l’artiste ». Plusieurs groupes professionnels sont confrontés aux réalités du travail précaire, et espèrent trouver une solution au travers de ce dit « statut de l’artiste ». Il est, cependant, important de souligner que ce « statut » est un cadre légal qui a été instauré, sur mesure, pour les artistes exécutants et créateurs. L’élaboration d’un statut social pour d’autres groupes professionnels est certes opportune. Mais, comme nous en avons déjà fait le constat par le passé, vouloir le faire par le biais du statut des artistes existant, pose problèmes. Cela engendre, par exemple, une certaine opacité pour les services administratifs compétents, ce qui entraîne des discussions pour savoir qui peut ou non prétendre au statut et quand il y a ou non usage abusif. Bref, ici, une approche spécifique s’impose.
Troisièmement : Il convient de faire clairement la distinction entre l’élaboration d’une solution à long terme et une solution à court terme qui s’impose pour le déblocage de la part de l’ONEM/RVA. Et ce, pour éviter que davantage les intermittents soient dupes du flou que fait planer la réglementation, sans même évoquer les nombreux recours administratifs et devant les tribunaux. A long terme, il est en revanche essentiel de réaliser un travail de fond qui débouchera sur des solutions pour toutes les fonctions de soutien/support (telles que les techniciens) bénéficiant de contrats temporaires. Dans le cadre de ce processus, il faudra prendre en compte les spécificités propres de chaque secteur – plasticiens, artistes de scène, musique, secteur audiovisuel, cinéma. Autrement dit, un travail sur mesure par commission paritaire.
Court terme
Bien que les besoins soient nombreux, il est important que les partenaires sociaux et les responsables politiques prennent leurs responsabilités, afin de trouver une solution le plus rapidement possible qui permette de sortir les dossiers relatifs à la rémunération à la tâche de l’impasse.
Nonobstant le fait que la notion juridique de rémunération à la tâche ne se retrouve pas littéralement dans nos CCT, des emplois pour lesquels la rémunération à la tâche constitue une forme correcte d’indemnisation existent : nous connaissons dans notre secteur plusieurs situations d’indemnisations qui ne reposent pas sur un nombre d’heures prestées déterminé. Nous constatons des réalités différentes dans la pratique quotidienne de nos différents secteurs. La rémunération à la tâche est ainsi courante en CP304, alors que les employeurs des CP227 et 303.01 ne l’utilisent pas dans les procédures d’engagement direct.
Nos critères.
Lorsque l’on retrouve les éléments suivants, il s’agit d’une rémunération à la tâche :
- Il faut un contrat, soit un contrat de travail, soit un contrat sous l’article 1 bis.
- Le contrat précise explicitement que le mode de rémunération est une rémunération à la tâche.
- Il doit s’agir d’une prestation artistique répondant à la définition : « par livraison de prestations artistiques ou production d’œuvres artistiques, il faut entendre la création et/ou l’exécution ou l’interprétation d’œuvres artistiques dans les arts audiovisuels et les arts plastiques, dans la musique, la littérature, le spectacle, le théâtre et la chorégraphie ». L’ONEM se doit en l’espèce de suivre l’avis de la Commission des Artistes. En cas de doutes, par exemple faute d’avis de la Commission des Artistes ou si l’ONEM conteste qu’il s’agisse d’une activité artistique, La Commission des Artistes doit formuler un avis.
- La rémunération versée ne peut pas correspondre ou être inférieur au nombre d’heures prévues à l’horaire, ni êtreau salaire qui doit, dans ce cas, être conforme aux CCT. La rémunération doit effectivement être en fonction de la prestation effectuée (laquelle prend, par exemple, en compte la préparation individuelle) plutôt qu’en fonction du nombre effectif d’heures prestées, comme les jours de tournage ou les répétitions et représentations théâtrales.
- Le contrat peut comprendre un horaire de travail, mais cela n’exclut pas la rémunération à la tâche. En effet, l’horaire ne peut comporter qu’une partie de la prestation complète en matière de jours de répétition, de jours de représentation, de jours d’exposition, des moments de lecture, des jours de tournage, etc.
- La mission ou la tâche doit être clairement définie dans le contrat de sorte que le contrôle soit en principe possible.
Nous sommes dès lors d’avis que, dans son appréciation, l’ONEM tienne compte des contrats et non pas de ce qui se fait dans le secteur. Nous demandons également à pouvoir nous concerter régulièrement avec l’ONEM pour suivre les évolutions, participer à l’évaluation de l’application et, le cas échéant, pouvoir réagir paritairement si de nouveaux problèmes devaient surgir.
Pour préciser notre pensée, nous épinglons encore quelques propositions générales :
- Collaboration : nous voulons aider l’ONEM dans l’application de la rémunération à la tâche en inscrivant dans les CCT ce à quoi elle a trait concrètement, ainsi que les cas pour lesquels elle peut être utilisée. Pour ce faire, il va de soi que nous nous appuierons aussi sur les principes repris ci-dessus, mais les négociations sur les salaires, entre partenaires sociaux, dans les commissions paritaires, n’ont pas encore commencé. Nous fixerons un calendrier lors des prochaines séances des commissions et sous-commissions paritaires concernées.
- Il nous faut davantage de données chiffrées pour évacuer certaines zones d’ombre : quelle est la situation par commission paritaire et de quelles commissions paritaires s’agit-il ? Comment comptabilise-t-on les emplois des artistes ? Comment faire pour arriver à une comparaison chiffrée entre des artistes qui apportent la preuve de l’accessibilité au statut social sur base de la rémunération à la tâche et des artistes qui sont touchés par la règle du cumul ? Pour y arriver, nous manquons actuellement de renseignements précis. Cette comparaison doit pouvoir être réalisée sur base de la hauteur des rémunérations à la tâche.
- La raison de l’usage abusif qui veut que les intermittents préalablement à leur demande travaillent avec une rémunération à la tâche, et passent parfois ensuite à d’autres contrats, réside dans la règle du cumul : cette règle est inéquitable d’un point de vue socioéconomique et, par ailleurs, illogique. Une adaptation de la règle du cumul s’impose si nous voulons éviter que les intermittents varient constamment dans leur manière d’organiser leur travail et leur administration. Une règle sur le cumul est effectivement nécessaire dans les cas où les intermittents gagnent une grosse somme d’argent en peu de temps, afin de permettre de recalculer l’allocation sur base de jours non indemnisables. Quant aux intermittents qui sont rémunérés sur base des barèmes repris dans les CCT, ils ne gagnent, cependant, pas de telles sommes d’argent en très peu de temps. Ils sont donc pénalisés par la règle actuellement en vigueur. De plus, le fait est que les jours non indemnisables ne sont pas les mêmes pour toutes les branches de la sécurité sociale, ce qui devrait pourtant être le cas. Ils ne sont ainsi pas assimilables pour la pension ou les allocations familiales, alors que le chômage considère ces jours non indemnisables comme des jours travaillés.
- Les dossiers refusés par le passé doivent être reconsidérés en tenant compte des critères visés ci-dessus.
Long terme
Quatre lignes directrices
(I) Une enquête approfondie s’impose (ce qui requiert un budget) pour réaliser une cartographie du travail atypique dans les secteurs de la culture, avec un volet sur mesure pour chaque secteur. Dans la recherche de solutions, il est essentiel, notamment en raison de la grande mobilité internationale des intermittents et des collaborations internationales de nos organisations culturelles, de se pencher sur la manière dont cette problématique est abordée à l’étranger, et quelles sont les solutions qui y sont éventuellement développées en matière de statuts ou de définitions juridiques. Est-il ainsi possible, par exemple, d’élaborer un statut dans le cadre de la législation sur le travail qui soit dissocié de la réglementation sur le chômage ? La pertinence de la rémunération au cachet et de ses conséquences seront analysées dans ce cadre.
(II) Il faut trouver une solution durable pour les fonctions de support/soutien, comme les techniciens, qui travaillent avec des contrats temporaires. Il s’agira là de travail sur mesure qui devra être réalisé par les commissions paritaires compétentes qui devront se pencher sur les spécificités des arts plastiques, des arts de la scène, de la musique et du secteur audiovisuel. Ici aussi, nous soulignons l’importance de la mise à disposition de données et de statistiques, entre autres dans le cadre d’un financement alternatif de la sécurité sociale.
(III) Une adaptation de la réglementation sur le cumul en dissociant celle-ci du mode d’indemnisation, mais en prenant en compte la hauteur des montants gagnés. Idéalement, il faudrait que le gouvernement traduise cette adaptation avant l’été.
(IV) Nous démarrons la concertation paritaire pour fixer des indemnités minimales pour les emplois relevant de l’article Ibis.